Pélerinage à Compostelle : Jean-Christophe Rufin vs Alix de Saint André

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Depuis mon match de The Hunger Games de Susan Collins face à Battle Royale de Houshun Takami, je n’avais pas renouvelé l’expérience du match littéraire. C’est ce que je vais faire cette fois-ci avec deux livres qui traitent d’un tout autre genre : le pèlerinage à Compostelle. Et ce sont deux auteurs bien différents qui vont s’opposer Alix de Saint-André et Jean-Christophe Rufin, respectivement avec En Avant Route! et Immortelle Randonnée : Compostelle malgré moi.

Je connaissais Alix de Saint-André du temps où elle faisait partie de la troupe de Jérôme Bonalli sur Canal+ et j’appréciais son côté catholique délurée. Aussi dès la sortie de En avant route! en 2009 (ou 2010), j’étais allé acheter son nouveau livre sur son expérience de pèlerin, et je l’avais particulièrement apprécié.

Alors est-ce que Rufin fera-t-il preuve d’originalité face à Alix ?

Histoires

En avant route!

Alix de Saint-André a pris trois fois la route de Compostelle. La première fois, elle est partie de Saint-Jean-Pied-de-Port, sur le chemin français, avec un sac plein d’idées préconçues, qui se sont envolées une à une, au fil des étapes. La deuxième fois, elle a parcouru le «chemin anglais» depuis La Corogne, lors d’une année sainte mouvementée. L’ultime voyage fut le vrai voyage, celui que l’on doit faire en partant de chez soi. Des bords de Loire à Saint-Jacques-de-Compostelle, de paysages sublimes en banlieues sinistres, elle a rejoint le peuple des pèlerins qui se retrouvent sur le chemin, libérés de toute identité sociale, pour vivre à quatre kilomètres-heure une aventure humaine pleine de gaieté, d’amitié et de surprises. Sur ces marcheurs de tous pays et de toutes convictions, réunis moins par la foi que par les ampoules aux pieds, mais cheminant chacun dans sa quête secrète, Alix de Saint-André, en poursuivant la sienne, empreinte d’une gravité mélancolique, porte, comme à son habitude, un regard à la fois affectueux et espiègle.

Immortelle randonnée : Compostelle malgré moi

Jean-Christophe Rufin a suivi à pied, sur plus de huit cents kilomètres, le «Chemin du Nord» jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle. Beaucoup moins fréquenté que la voie habituelle des pèlerins, cet itinéraire longe les côtes basque et cantabrique puis traverse les montagnes sauvages des Asturies et de Galice.
«Chaque fois que Ton m’a posé la question : « Pourquoi êtes-vous allé à Santiago ? », j’ai été bien en peine de répondre. Comment expliquer à ceux qui ne l’ont pas vécu que le Chemin a pour effet sinon pour vertu de faire oublier les raisons qui ont amené à s’y engager ? On est parti, voilà tout.»
Galerie de portraits savoureux, divertissement philosophique sur le ton de Diderot, exercice d’autodérision plein d’humour et d’émerveillement, Immortelle randonnée se classe parmi les grands récits de voyage littéraires.

Avis

On pourrait que ces deux auteurs ont tout fait pour faire un livre qui parle de la même chose mais de manière bien différente.

Tout d’abord, les raisons qui les ont motivées à faire ce périple pédestre : l’une est catholique pratiquante et s’engage donc en premier pour une expérience théologique, alors que le second part plus sur un coup de tête sans réelle attente philosophique ou mystique. Egalité entre les deux histoires : le pèlerinage est avant tout un cheminement personnel où chacun est confronté surtout à ce qu’il ne s’attendait pas.

Ensuite, la façon de raconter l’expérience est bien différente. Là où le récit est exposé de façon très académique dans un style littéraire plutôt soutenu (je rappelle que Jean-Christophe Rufin est membre de l’Académie Française) et avec une pointe d’humour, Alix de Saint-André manie à la perfection l’humour, l’auto-dérision est ainsi désacralise le pèlerin que sa quête. Dans ce second cas, le récit est beaucoup moins indigeste, le récit ressemblant à un roman feuilleton retranscrit plus intelligemment l’expérience de l’auteur. Avantage Alix mais d’une très courte tête.

Au final, je dirais que pour apprécier l’un il faut lire l’autre. Deux expériences différentes, deux points de vue complémentaires, deux styles littéraires aux qualités propres font que même si j’ai une légère préférence pour le roman d’Alix de Saint André, Jean-Christophe Rufin nous offre un roman plein de sentiments qui reste agréable à lire.

Notations

En avant route!

Histoire
Écriture
Durée de lecture
Prix

Immortelle randonnée : Compostelle malgré moi

Histoire
Écriture
Durée de lecture
Prix

Caractéristiques

En avant route!

  • Poche: 352 pages
  • Editeur : Folio (16 juin 2011)
  • Collection : Folio
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2070440761
  • ISBN-13: 978-2070440764
  • Prix : 7.20€

Immortelle randonnée : Compostelle malgré moi

  • Broché: 258 pages
  • Editeur : Guérin (5 avril 2013)
  • Collection : DEMARCHES
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2352210615
  • ISBN-13: 978-2352210610
  • Prix : 19.50€

Sites Internet des auteurs

Ni l’un ni l’autre n’a de site internet officiel.

Extraits

En avant route!

Vous pouvez feuilleter sur le site Amazon les premières pages de la version brochée.

Immortelle randonnée : Compostelle malgré moi

LORSQUE, comme moi, on ne sait rien de Compostelle avant de partir, on imagine un vieux chemin courant dans les herbes, et des pèlerins plus ou moins solitaires qui l’entretiennent en y laissant l’empreinte de leurs pas. Erreur grossière, que l’on corrige bien vite lorsqu’on va chercher la fameuse credencial, document obligatoire pour accéder aux refuges pour pèlerins !
On découvre alors que le Chemin est l’objet sinon d’un culte, du moins d’une passion, que partagent nombre de ceux qui l’ont parcouru. Toute une organisation se cache derrière le vieux chemin : des associations, des publications, des guides, des permanences spécialisées. Le chemin est un réseau, une confrérie, une internationale. Nul n’est contraint d’y adhérer, mais cette organisation se signale à vous dès le départ, en vous délivrant la credencial, ce passeport qui est bien plus qu’un bout de carton folklorique. Car, dûment fiché comme futur-ancien-pèlerin, vous recevrez désormais des bulletins d’études savants, des invitations à des sorties pédestres et même, si vous habitez certaines villes, à des séances de restitution d’expériences, organisées autour de voyageurs fraîchement rentrés. Ces rencontres amicales autour d’un verre s’appellent «Le vin du pèlerin» !
J’ai découvert ce monde en entrant par une après-midi pluvieuse dans la petite boutique sise rue des Canettes à Paris, dans le quartier Saint-Sulpice, siège de l’association des Amis de Saint-Jacques. L’endroit détone, au milieu des bars branchés et des boutiques de fringues. Il fleure bon sa salle paroissiale et le désordre poussiéreux qui l’encombre a l’inimitable cachet des locaux dits «associatifs». Le permanencier qui m’accueille est un homme d’un certain âge – on dirait aujourd’hui un «senior», mais ce terme n’appartient pas au vocabulaire jacquaire. Il n’y a personne d’autre dans la boutique et j’aurais l’impression de le réveiller s’il ne se donnait pas beaucoup de mal pour paraître affairé. L’informatique n’a pas encore pris possession du lieu. Ici règnent toujours la fiche bristol jaunâtre, les dépliants ronéotypés, le tampon baveux et son encreur métallique.
Je me sens un peu gêné de déclarer mon intention – pas encore arrêtée, pensé-je – de partir sur le Chemin. L’ambiance est celle d’un confessionnal et je ne sais pas encore que la question du «pourquoi» ne me sera pas posée. Prenant les devants, je tente des justifications qui, évidemment, sonnent faux. L’homme sourit et revient à des questions pratiques : nom, prénom, date de naissance.
Il me conduit peu à peu jusqu’au grand sujet : est-ce que je souhaite adhérer à l’association avec le bulletin – c’est plus cher – ou sans, c’est-à-dire en payant le minimum : il me donne les prix de chaque option. Les quelques euros de différence lui semblent suffisamment importants pour qu’il se lance dans une longue explication sur le contenu précis des deux formes d’adhésion. Je mets cela sur le compte d’un désir louable de solidarité : ne pas priver de Chemin les plus modestes. En cours de route, j’aurai l’occasion de comprendre qu’il s’agit de bien autre chose : les pèlerins passent leur temps à éviter de payer. Ce n’est souvent pas une nécessité, mais plutôt un sport, un signe d’appartenance au club. J’ai vu des marcheurs, par ailleurs prospères, faire d’interminables calculs, avant de décider s’ils commanderont un sandwich (pour quatre) dans un bar, ou s’ils feront trois kilomètres de plus pour l’acheter à une hypothétique boulangerie. Le pèlerin de Saint-Jacques, que l’on appelle un Jacquet, n’est pas toujours pauvre, loin s’en faut, mais il se comporte comme s’il l’était. On peut rattacher ce comportement à l’un des trois voeux qui, avec la chasteté et l’obéissance, marquent depuis le Moyen Âge l’entrée dans la vie religieuse ; on peut aussi appeler cela plus simplement de la radinerie.

Revues de presse

En avant route!

Comme les principaux sites marchands ne proposent plus les principales revues de presse sur ce livre, je vous propose à la place l’article paru sur ce livre fait par le Pèlerin Magazine (non je ne blague pas) qui a l’avantage de proposer en même temps une interview de l’auteure.

Immortelle randonnée : Compostelle malgré moi

Médecin, ambassadeur, académicien, tout récent lauréat du Prix Nomad’s, le Goncourt raconte son pèlerinage. Une respiration salutaire…
Et au bout du compte, que réalise notre Candide ? L’expression est peut-être usée, mais elle correspond à la vérité : l’itinéraire a été avant tout humain, et les portraits esquissés par Rufin l’illustrent à merveille. La dimension spirituelle et religieuse est là, bien entendu. Mais la dimension «pratique» prend souvent le pas : quand et où manger, où trouver à boire, comment soigner ses ampoules, comment dormir – l’auteur appartenant à la catégorie des habitués aux interminables heures passées à plat dos, les yeux grands ouverts. On prend le Chemin pour penser, et on en ressort l’esprit vidé. L’écrivain résume tout cela d’une belle formule : «Le Chemin est une initiation par le corps.» (Mohammed Aïssaoui – Le Figaro du 4 avril 2013)

Plus philosophe ironique à la Diderot que lyrique croyant à la Péguy, Rufin croque avec dérision les pittoresques sensations de son long cheminement…
Mais le chemin finit bientôt par hanter celui qui s’y était nonchalamment embarqué. «En partant pour Saint-Jacques je ne cherchais rien et je l’ai trouvé.» Par-delà toute spiritualité, c’est un lancinant apprentissage du vide qu’a vécu le marcheur. Et un vide qui conduit au plein. En témoignent les lumineuses réflexions – sur la religion, l’histoire, la politique même – qui ponctuent son odyssée et éclairent ici la lecture d’un éclat vif. Drôle, brillant, généreux mais sans concession, cet étonnant carnet de route ne donne qu’une envie : tenter aussi l’aventure de Compostelle. Vite. (Fabienne Pascaud – Télérama du 15 mai 2013)

Voir la suite sur le site Amazon.

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