Sonja Delzongle – Dust

C’est le quatrième roman que je lis de Sonja Delzongle dont je vais vous faire une présentation aujourd’hui. Alors que nous avions été séduit par Boréal et Quand la neige danse, j’avais été profondément déçu par son dernier opus Cataractes.

Aussi ai-je voulu lui laisser une chance de redorer son blason avec un roman un peu plus ancien, mais qui lui aurait permis de se faire un nom dans le monde des amateurs de thrillers : Dust.

Est-ce que de Dust va nous remettre des paillettes dans nos yeux de lecteur averti ?

Résumé du livre

2010. Dans un terrain vague de Nairobi, un gamin à vélo s’amuse à rouler dans une grande flaque sur le sable ocre. Du sang humain, répandu en forme de croix. Sans le savoir, le garçon vient de détruire une scène de crime, la première d’une longue série.
2012, à Nairobi. Une femme albinos est décapitée à la machette en pleine rue. Le tueur a emporté la tête, un bras aussi. Elle a été massacrée, comme beaucoup de ses semblables, parce que ses organes et son corps valent une vraie fortune sur le marché des talismans.
Appelée en renfort par le chef de la police kényane, Hanah Baxter, profileuse de renom, va s’emparer des deux enquêtes. Hanah connaît bien le Kenya, ce pays où l’envers du décor est violent, brûlant, déchiré entre ultra-modernité et superstitions. Mais elle ne s’attend pas à ce qu’elle va découvrir ici. Les croix de sang et les massacres d’albinos vont l’emmener très loin dans les profondeurs du mal.

Extrait

Nairobi, 7 h 29

Le jeune Salim avait déjà vu du sang dans sa courte vie. À commencer par le sien, qui coulait d’une plaie après qu’il se fut entaillé un doigt ou écorché les genoux. Il savait même que les filles, à la puberté, en perdaient tous les mois et que c’était le signe qu’elles étaient devenues des femmes. Il en avait vu aussi à la télévision et dans la rue. Des images gluantes, le bitume ou la terre, rougis du sang versé lors de combats fratricides. Des crimes, des guerres sans fin.
Le sang était la vie et la mort.
Ce matin de juin, debout sur son vélocross, à évaluer les aspérités exploitables du sol à des fins acrobatiques, il fit une découverte singulière.
Sur le terrain vague des faubourgs de Nairobi où il avait l’habitude de se retrouver avec ses copains, un miroir pourpre réfléchissait les rayons du soleil naissant.
Il donna quelques coups de pédale et s’approcha, tel un animal curieux. La chose se révéla plus précisément. C’était la surface lisse et luisante d’une grande flaque de sang encore frais, dont l’odeur métallique avait dû alerter les deux hyènes qui venaient de s’enfuir, dérangées dans leur festin par le petit d’homme et sa monture.
Les charognards se risquaient rarement aux abords des villes. Mais le sang sur la terre desséchée avait attiré les animaux nécrophages à plusieurs kilomètres.
Salim regarda partout autour. Il manquait quelque chose à cette scène. Un corps, un cadavre. Le garçon émit un petit sifflement. Il avait dû être sacrement amoché, le type. Un homme, ou une femme. Peut-être un enfant. Salim grimaça.
Où était-il passé, le mort ? Enterré quelque part ? Dévoré ? Le plus étrange dans tout ça, c’était la forme de cette traînée de sang. Celle d’une croix.
L’enfant demeura là, devant, immobile sur son vélo, le menton frémissant, partagé entre son appréhension et l’excitation d’avoir découvert quelque chose d’insolite. Ses yeux tombèrent dans leur propre reflet, une paire de prunelles noires, incertaines, au fond du miroir sanglant, où il vit son visage se rider doucement, puis se troubler. Il fit une boule de salive qu’il cracha dans la flaque. Elle laissa une empreinte blanchâtre avant de se dissoudre. Il balaya les environs du regard. Personne en vue. Ses frères avaient du retard ou bien ne viendraient pas aujourd’hui.
Soudain, poussant un cri de guerre, il appuya d’un coup sec sur la pédale et la ‘roue avant de son bicross plongea dans la traînée rougeâtre, fendant avec un bruit mouillé la pellicule visqueuse qui avait commencé à se former à la surface.
Les baskets et le cadre de son vélo couverts de mouchetures pourpres, Salim freina, soulevant une volute de poussière. Il fît brusquement demi-tour dans un crissement de pneus et fonça droit sur la croix sanguinolente, comme si elle n’était qu’une vulgaire trace de peinture fraîche. À chaque passage forcené, les roues du bicross dessinaient des arabesques rouges. Bientôt, il n’y eut plus que des graffitis écarlates dans la poussière.

Avis

Ce thriller de Sonja Delzongle est déstabilisant à plus d’un titre. Tout d’abord elle nous transporte dans un monde qui, pour la plupart d’entre nous, nous est inconnu, le Kenya bien loin des zones touristiques et des safaris. Là on se retrouve confronter à la misère, à la violence à laquelle recourt nombre de kényans pour survivre, aux croyances mystiques.  Ensuite, en nous confrontant à des crimes particulièrement originaux puisque l’on ne trouve qu’une croix de sang au sol et nul corps. Je ne vous en dis pas plus afin que vous fassiez travailler vos petites cellules grises. Et enfin, les méthodes d’investigation propres, ou devrais-je dire réduites, de ce pays.

Malheureusement le roman est très mal équilibré. Le premier tiers est très prenant, nous plongeant dans l’ambiance totalement dépaysante de l’Afrique et dans la découverte des meurtres. Par contre, tel un soufflet au fromage qui aurait trop attendu d’être mangé, la tension et le rythme retombent. L’auteure consacre cette partie à la présentation du calvaire vécu par les yellow men, albinos d’Afrique, et l’enquête est délaissée au profil des relations sentimentales de l’héroïne profileuse Hanah Baxter. Heureusement, sur le dernier tiers on retrouve les qualités de l’auteure pour terminer la chasse.

Dernier point négatif et non des moindres pour nous autres amateurs d’enquête policière désireux de se substituer aux enquêteurs du roman, est la divulgation du meurtrier beaucoup trop tôt dans le roman, à la fin du premier tiers. Est-ce  une volonté de l’auteure espérant faire monter la tension du lecteur face au déroulé de l’enquête.

Notation

Histoire
Ecriture
Durée de lecture
Prix

Caractéristiques :

  • Livre
    • Broché: 528 pages
    • Editeur : Denoël (1 avril 2015)
    • Collection : Sueurs froides
    • Langue : Français
    • ISBN-10: 2207124413
    • ISBN-13: 978-2207124413
    • Prix : 20,90€
  • Poche
    • Broché : 560 pages
    • Editeur : Folio (1 avril 2016)
    • Collection : Folio. Policier
    • Langue : Français
    • ISBN-10 : 207046508X
    • ISBN-13 : 978-2070465088
    • Prix : 8,50€
  • eBook
    • Taille : 2433 ko
    • Editeur : Éditions de l’épée (2 avril 2015)
    • EAN : 979-1091211451
    • Prix : 7,99€

Revue de presse

« un roman à lire d’urgence« , Yann Plougastel, Le Monde

« C’est un polar, mais ce n’est pas qu’un polar. » Gérard Collard, Le coup de coeur des libraires LCI

Présentation sur France Bleue

Récompenses

Prix Anguille sous Roche 2015

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