Pierre Lemaitre – Le grand monde

La famille Pelletier

Trois histoires d’amour, un lanceur d’alerte, une adolescente égarée, deux processions, Bouddha et Confucius, un journaliste ambitieux, une mort tragique, le chat Joseph, une épouse impossible, un sale trafic, une actrice incognito, une descente aux enfers, cet imbécile de Doueiri, un accent mystérieux, la postière de Lamberghem, grosse promotion sur le linge de maison, le retour du passé, un parfum d’exotisme, une passion soudaine et irrésistible.

Et quelques meurtres.

 
Extrait
 

Personne ne se serait passé des services de ce médecin qui était une institution, même si on ne savait jamais qui, de lui ou de la maladie, serait le plus dangereux.

— C’est un imbécile…, lâcha le garçon.

— Non, c’est un con.

— C’est pareil.

M. Pelletier s’arrêta de jouer.

— Non, c’est pas pareil. Si tu expliques trois fois un truc à quelqu’un et qu’il ne le comprend pas, c’est un imbécile. Mais si, à la fin, il est certain de l’avoir compris mieux que toi, alors, tu as affaire à un con.

Le garçon fit une petite moue.

— Oui, dans ce cas, pas de doute, Doueiri est vraiment un con.

À la fin de la partie, Louis acheva son Cinzano et demeura pensif. Il connaissait Angèle comme sa poche et savait qu’il lui fallait un prétexte pour quitter la chambre. Il repassa à la fabrique et revint à la maison avec un lot de factures qu’il venait de régler. Angèle l’ouvrit.

— Louis ! dit-elle, alarmée. Ne me dis pas que tu as payé ça !

— Je… Je vais essayer de rattraper le règlement, articula-t-il, confus, et il se précipita hors de la chambre.

Il retourna à la fabrique (« Bon sang, se disait-il en pédalant, qu’on en finisse… ! »), rédigea un chèque qu’il déchira aussitôt. Il mit les morceaux dans une enveloppe qu’il posa sur le bureau de son épouse.

Le lendemain, Mme Pelletier reprenait ses activités.

Jean et Geneviève partirent deux jours plus tard. « Prends soin de toi… », murmura-t-elle dans l’oreille de Bouboule. Lorsque le bateau s’éloigna, elle prit le bras de Louis en disant : « J’espère que Geneviève va écrire… »

Et maintenant Étienne…

Mme Pelletier s’arrêta de nouveau.

— L’Indochine ! Mais c’est la guerre là-bas !

Il s’était déjà expliqué mille fois, oui, c’était la guerre, mais pas tout à fait, comment lui dire ?

— C’est un conflit, maman.

— Un conflit avec des morts, ça s’appelle une guerre.

Elle se moucha longuement, leva les yeux vers lui. La tête sur le billot, elle n’en aurait pas convenu, mais elle avait toujours trouvé Étienne le plus beau de ses trois fils. Des questions lui brûlaient les lèvres, mais on voyait à ses épaules basses, à son regard perdu, qu’elle ne les poserait pas, elle connaissait déjà les réponses.

L’Indochine, son ami Raymond, les lettres qui arrivaient depuis des mois…

Lorsqu’il avait invité Raymond à la maison, elle avait dit : « Je te comprends, il est joli garçon. » Ah, si la vie d’Étienne avait été partout aussi simple qu’avec sa mère… C’était loin d’être le cas. De l’école à la banque, en avait-il vécu des humiliations, entendu des insinuations, essuyé des insultes…

C’était un garçon mince, d’un châtain tirant vers le blond, avec des yeux rieurs et une certaine nonchalance dans les gestes, dans la démarche, qui trahissait un caractère sensuel, voluptueux. Il n’avait tiré, de sa facilité pour les chiffres, qu’un diplôme de comptable parce qu’il ne nourrissait aucune ambition professionnelle.

 
Avis

Après une période très policière, suivie d’un roman d’arnaque historique, Pierre Lemaitre poursuit avec ce second domaine. Cette fois-ci il nous plonge dans les 30 glorieuses, période soit disant bénite d’après guerre synonyme de prospérité; mais qui est également une période de chômage, de pénurie (les tickets de rationnement alimentaire sont toujours en vigueur) et de promiscuité avec des logements étriqués où les sanitaires ne sont pas encore répandus dans tous les logements, voire même partagés.

Mais Pierre Lemaitre ne se contente pas de nous conter l’histoire de la France comme le ferait un professeur d’université, il nous raconte la grande histoire au travers des petites histoires. Car aussi surprenant que cela puisse paraître, en de dehors de la famille Pelletier dont nous suivons les aventures aux quatre coins du monde, tous les faits mentionnés dans ce livre sont réels ou fortement inspirés de la réalité. Et c’est ce qui fait la véritable saveur de ce livre, car on a du mal à croire que ces rocambolesques épisodes ne soient tout simplement sortis de l’imagination de l’auteur.

L’autre point fort de ce livre est la facilité qu’à le lecteur à se projeter dans les quatre frères et sœurs, enfants de la famille Pelletier. Autant nous sommes à la fois attendris et  révoltés par Bouboule, autant nous vibrons des découvertes des deux autres frères. Chaque personnage a son caractère, sa motivation. On saute allègrement et alternativement de l’un à l’autre pour découvrir le secret que chacun cache.

Cependant, contrairement à ce qu’annonce l’auteur, ce roman n’est ni un thriller ni un roman policier. Tout juste si le meurtre dans le cinéma et son enquête méritent au roman de s’approcher de cette dénomination.

Alors même s’il faut patienter le franchissement des cent premières pages pour savourer l’histoire et voir apparaître l’intrigue des meurtres qui semblent suivre une partie de la famille, on se délecte de cette saga qui ne fait que commencer; l’auteur ayant annoncé que Le grand monde était le premier d’une tétralogie.

Notation

Histoire
Personnages
Rythme
Énigme
Écriture
Durée de lecture
Prix

Caractéristiques :

  • Livre
    • Broché ‏ : ‎ 592 pages
    • Éditeur ‏ : ‎ Calmann-Lévy (25 janvier 2022)
    • Langue ‏ : ‎ Français
    • ISBN-10 ‏ : ‎ 2702180817
    • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2702180815
    • Prix : 22,90€
  • eBook
    • Taille du fichier ‏ : ‎ 2102ko
    • Éditeur ‏ : ‎ Calmann-Lévy (25 janvier 2022)
    • Langue ‏ : ‎ Français
    • EAN : 978-2702183847
    • Prix : 15,99€
  • Livre audio
    • Durée : 17h34
    • Éditeur ‏ : ‎ Audiolib (25 janvier 2022)
    • EAN : 979-1035408275
    • Prix : 23,95€

Revue de presse

« Pierre Lemaitre captive et étourdit habilement le lecteur. » Le Figaro Littéraire

« Pierre Lemaitre ne ménage pas ses personnages ni les rebondissements. Dumas n’est pas bien loin, Zola reste en embuscade avec Hugo penché sur l’épaule d’un Lemaitre qui biche en clignant de l’œil à ses lecteurs. » Télérama

« Pierre Lemaitre retrouve sa verve légendaire […] pour croquer avec gourmandise les folies de l’époque. » Les Échos

« Jubilatoire ! » La Vie

« On pleure et on rit: du grand art feuilletoniste. » Madame Figaro

« Ca vit, ça vibre, c’est haletant. C’est dramatique et amusant, tragique et jubilatoire. Pierre Lemaitre réinvente l’art du feuilleton, en plaçant la barre très haut… » La Croix

« Le ton est donné avec la virtuosité de la plume […], l’art de manier le verbe et l’ironie, à l’instar d’un Eugène Sue. Exaltant. » Version Femina

« Pierre Lemaitre, peintre à fresques », Le Monde

«  »Le Grand Monde » : un Pierre Lemaitre « magistral, addictif et impressionnant » selon Le Masque« , France Inter

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