Jean-Marc Souvira – La porte du vent

Il ne faut pas sous-estimer le poids des traditions…

Pourquoi ces deux vieillards, venus l’un de Chine et l’autre d’Israël, ont-ils décidé de se recueillir ensemble sur cette mystérieuse tombe chinoise d’un cimetière militaire picard de la Première Guerre mondiale ? Pour le commandant Dalmate, la présence de ces personnages sur le territoire national n’augure rien de bon. En effet, ils sont, chacun dans leur pays, à la tête d’organisations criminelles dont les ramifications s’étendent jusqu’en France.

Or, depuis peu, les règlements de comptes entre ces communautés s’intensifient ; une escalade de violence qui semble échapper au contrôle des forces de l’ordre. Mais le monde ne date pas d’aujourd’hui, et c’est peut-être dans le passé que se trouvent les réponses capables d’apaiser les esprits. Dans des amitiés nées il y a bien longtemps, au cœur des tranchées..

Extrait

La tête du flic cognait contre la paroi métallique de la camionnette à chaque cahot. Le commandant de police Paul Dalmate ne voyait plus que d’un œil. Les paupières de l’autre, tuméfiées par les coups reçus, restaient soudées. Il respirait avec difficulté, sans doute à cause de son nez cassé et des caillots de sang qui ne laissaient filtrer qu’un filet d’air. Il remua lentement ses mains qui n’étaient pas attachées. À quoi bon l’entraver alors qu’il pouvait à peine bouger ? Il pria en silence. Il s’adressait à Dieu de manière simple et directe, comme à un ami. Il le faisait depuis près de trente ans, dont dix passés au séminaire qu’il avait quitté avant d’être définitivement ordonné prêtre. Sa vie s’arrêterait bientôt, mais il ne regrettait rien.

Aucune famille ne le pleurerait, sa mère était décédée des années plus tôt, son père n’existait plus pour lui, et il était fils unique. Marié quelques mois, son couple avait rapidement pris l’eau. Dalmate était un solitaire, mais il aurait préféré ne pas l’être. À cet instant, il se souvint d’une phrase lue ou entendue quelque part : « Un homme seul est un homme mal accompagné. » Il était trop tard pour réfléchir à la justesse ou pas de cette affirmation et rectifier le sens de sa vie.

Après l’assassinat de Dalmate, le ministre de l’Intérieur, costume sombre et mine de circonstance, prononcera une allocution solennelle avec des mots mille fois usités, mais c’est le parcours obligé du politique placé sous l’œil des caméras. Pendant vingt-quatre heures, les chaînes d’info en continu feront blablater des experts et des syndicalistes avec des mines graves, et des discours convenus sur fond d’images d’archives tourneront en boucle, gros plans sur les flics en intervention, gyrophares, etc. Ses collègues les plus proches seront en colère, bouleversés. Ils chercheront les auteurs du crime. Une salle secondaire de réunion de la préfecture de Police portera son nom qui ne dira plus rien à personne dans quelques années. Au mieux, une promotion d’officiers de police sera baptisée « Paul Dalmate ». Si Dalmate avait eu son mot à dire, il aurait envoyé balader tout le monde.

Puis un visage féminin s’imposa à lui, télescopant ses réflexions. Il se dit qu’il ne saurait jamais si la jeune femme avec laquelle il prenait plaisir à partager quelques discussions serait allée au-delà de leurs phrases échangées. C’était son seul regret.

Soudain, le violent coup de pied qu’il reçut dans les côtes le coupa net dans ses pensées et lui apprit deux choses : la première qu’il avait aussi des côtes cassées, et la seconde que les mecs n’en avaient jamais assez. Après quelques minutes à souffrir le martyre, il put lentement reprendre un souffle partiel. Mais la lumière puissante d’une lampe torche braquée à cinq centimètres de son œil valide lui causa une nouvelle douleur si aiguë qu’il lui sembla qu’une aiguille transperçait le cristallin jusqu’au cerveau. Son tortionnaire l’invectiva :

— Réveille-toi, connard. T’arrives au bout du chemin. Dis-toi que tu l’as bien méritée, la balle qui va te traverser la tête.

Avis

Il y a  des romans que l’on lit ou achète parce que l’on a entendu parler d’eux dans la presse ou sur des blogs. Il y en a d’autres où c’est leur couverture qui nous séduit. J’ai découvert La porte du vent de Jean-Marc Souvira tout d’abord par sa création graphique de couverture à la fois originale, précise mais intrigante. Et au final, après avoir lu le livre, je dirais qu’elle résume parfaitement ce roman.

L’originalité du roman puisqu’il commence comme un roman noir sur fond de guerre entre gangs parisiens pour laisser place ensuite à un roman historique de la première guerre mondiale donnant les origines de ces clans, avant de se clore par la conclusion de la première partie. L’originalité provient aussi de l’inspiration de l’histoire à partir de faits réels. Ainsi le cimetière militaire d’Etaples comporte bien une tombe d’un chinois dont malheureusement l’identité a été perdue.

La précision dans le récit provient essentiellement de l’expérience de l’auteur puisqu’il est commissaire divisionnaire au sein de la Police judiciaire depuis plus de vingt-cinq ans après avoir  dirigé l’Office Central pour la Répression de la Traite des Êtres Humains. Mais c’est également un incroyable investigateur dans l’histoire de la France sur la période de la première guerre mondiale. Il m’a fait découvrir un pan de l’histoire avec « la déportation » de chinois pour pallier au manque de main d’œuvre masculine en France.

L’intrigue se tisse dans l’origine et les relations entre les gangs. Sans doute que celles-ci sont romancées, mais qui sait.

Jean-Marc Souvira nous offre un roman agréable à lire, un phrasé est fluide avec des personnes qui prennent de l’ampleur au fur et à mesure des pages. On pourra reprocher un petit déséquilibre entre les parties afin que les amateurs de romans policiers ne lâchent pas la lecture au cours de la seconde partie. Et je recommanderais la version numérique, car ce petit pavé de près de 600 pages pèse près de 700g et fatigue rapidement les bras.

Notation

Histoire
Personnages
Rythme
Énigme
Écriture
Durée de lecture
Prix

Caractéristiques :

  • Livre
    • Broché ‏ : ‎ 592 pages
    • Éditeur ‏ : ‎ Fleuve éditions (5 janvier 2023)
    • Langue ‏ : ‎ Français
    • ISBN-10 ‏ : ‎ 2265156620
    • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2265156623
    • Prix : 22,90€
  • eBook
    • Taille du fichier ‏ : ‎ 3145 ko
    • Éditeur ‏ : ‎ Fleuve éditions (5 janvier 2023)
    • Langue ‏ : ‎ Français
    • EAN : 978-2265156630
    • Prix : 13,99€

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