Romain Slocombe – J’étais le collabo Sadorski

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L’épuration comme vous ne l’avez jamais lue.

Septembre 1944 : partisans de De Gaulle et de Staline rivalisent pour le pouvoir dans Paris fraîchement libéré. C’est à qui rétablira l’ordre le premier, ou plutôt son ordre. Démasqué et menacé d’être fusillé, l’inspecteur Léon Sadorski n’en mène pas large. Le sort en a pourtant décidé autrement. En échange de l’indulgence des cours de justice, l’ex-collaborateur se voit confier par les chefs de l’insurrection une mission semée de pièges : identifier les  » taupes  » laissées par la police de Vichy au sein du Parti communiste.

Rien ne se passant comme prévu, Sadorski se retrouve séquestré dans un des pires centres de détention et de torture gérés par les FTP. Mais il entend bien échapper à ses geôliers afin de rechercher sa femme, Yvette, disparue dans les purges des premières heures de la Libération. Pour cela, Sadorski aura besoin d’argent, de beaucoup d’argent…

Extrait

le gamin, dans le lit d’à côté, file un mauvais coton.

Une balle de mitrailleuse chleuhe lui a perforé l’abdomen, tirée du toit du ministère de la Marine, place de la Concorde, le vendredi 25 août 1944 peu après 16 heures, en pleine bataille entre panzers et tanks de l’armée Leclerc devant les Tuileries.

Calibre 7,92 mm.

Déjà le visage cireux, creusé, le souffle presque inaudible et l’affaiblissement lent, désespéré, des mourants. Tout à l’heure, murmurent les infirmières, il va subir une deuxième opération – hélas ce ne sera que souffrances inutiles, charcutage vain.

L’ex-IPA1 des Renseignements généraux Léon Sadorski, lui, bien qu’il ait perdu un œil, le droit, à l’issue de la libération de la capitale, l’après-midi du grand défilé de la Victoire, vivra. Borgne, mais il vivra.

… Sauf, se dit-il, si ces fumiers de résistants – les authentiques, ou ceux, mille fois plus nombreux, de la dernière heure –, ou bien ses collègues, les poulets qui ont retourné leur veste in extremis et ne jurent désormais que par de Gaulle au lieu de Pétain, parviennent à le démasquer. Dans ce cas ce sera direct le poteau des traîtres. Collabo notoire, traqueur de Juifs et de communistes, pourvoyeur d’internés de Drancy, d’otages à fusiller au mont Valérien, agent de la Gestapo berlinoise et pourquoi pas, même si c’est faux : milicien, tireur des toits, massacreur d’honnêtes gens et de patriotes. Les chefs d’accusation ne manqueront pas ! Verdict inéluctable, la peine capitale. Article 75 du Code pénal, décret du 29 juillet 1939, paragraphe 5 : Sera coupable de trahison et puni de mort, tout Français qui, en temps de guerre, entretiendra des intelligences avec une puissance étrangère ou avec ses agents en vue de favoriser les entreprises de cette puissance contre la FranceMalgré les apparences, l’armistice de juin 1940 n’a pas mis fin à l’état de guerre entre notre pays et l’Allemagne ; on n’a jamais signé de traité de paix. Techniquement tout citoyen français ayant été en relation avec les Boches est un traître. Même s’il a agi par conviction idéologique, ce n’est pas une circonstance atténuante. Voilà, le tour est joué, juridiquement imparable ! Ce décret-loi qui date du gouvernement Daladier, donc du temps de la République avant la défaite, autorise à fusiller à peu près n’importe qui, il suffit aujourd’hui de vouloir sa peau. Léon Sadorski ne serait pas le premier lampiste exécuté, ni le dernier.

Au chevet du jeunot, la mère de l’agonisant sanglote ; elle pleure toutes les larmes de son corps frêle, dans ses habits distingués, son tailleur sombre, au parfum discret. Elle lui caresse les cheveux, humecte ses lèvres avec de l’eau de Lourdes, ou lui en met sur les mains. C’est comme ça depuis trois jours, paraît-il. On peut la comprendre. Regarder s’en aller son fils unique, un brave petit, doté à l’en croire de toutes les qualités. Musicien, prix d’harmonie, d’orgue, de fugue, pianiste, compositeur à dix-sept ans d’un quintette pour cordes et piano, promis à un grand avenir d’artiste selon ses professeurs… Tout à l’heure, il a murmuré : « Maman, va voir si les autres n’ont besoin de rien, car tu sais, ici on se rend de menus services… » Même Sadorski, le dur à cuire, qui a toujours refusé de s’apitoyer sur le sort des autres, on n’en finirait plus, s’est senti touché. Et tout ça, cette misère, parce que au lieu de rester chez lui peinard le fils de bourges a voulu, entraîné par son bon cœur, son patriotisme, s’engager dans la Croix-Rouge française, et qu’il a traversé ce vendredi la rue de Rivoli sous les balles pour ramener des FFI ou des passants blessés ! Si ça se trouve, le marin fritz qui vidait sa bande de cartouches de mitrailleuse depuis le toit du ministère n’était pas plus âgé que lui, ou que l’infirmière de vingt-neuf ans qui, quelques secondes plus tôt ou plus tard, aux côtés du môme, a eu la tête éclatée… les yeux, le front, plus rien, un grand trou noir lui bouffant le visage, aux dires des témoins horrifiés qui l’ont ramassée.

Avis

Romain Slocombe nous invite dans les dernières aventures de son horrible inspecteur facho, collabo, Sardoski. Après ses malversations, ses embrouilles, pendant l’occupation et les premiers signes de la libération, le voici en plein revirement avec l’arrivée des américains dans Paris et son arrestation. Quand sa bonne étoile le lâche, il va devoir faire preuve d’inventivité, d’opportunisme et de stratégie pour se sortir de ce mauvais pas.

Ce roman est d’autant plus intéressant que; dans les précédents tomes, l’on voyait tous les méfaits,  les tortures psychologiques et physiques, toutes les prises d’influence des collaborateurs; l’on voit que les libérateurs tombent et appliquent les mêmes travers. Cette libération n’est pas aussi jolie qu’elle ne fût espérée.

On peut seulement regretter quelques longueurs et répétitions dans le récit, sinon l’auteur nous emporte avec la même force dans ce sixième roman noir historique comme dans les cinq précédents, avec la même précision historique sans sombrer dans un cours magistral sur cette époque.

Notation

Histoire
Personnages
Rythme
Énigme
Écriture
Durée de lecture
Prix

Caractéristiques :

  • Livre
    • Broché ‏ : ‎ 544 pages
    • Éditeur ‏ : ‎ Robert Laffont (1 septembre 2022)
    • Langue ‏ : ‎ Français
    • ISBN-10 ‏ : ‎ 2221259742
    • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2221259740
    • Prix : 21,00€
  • eBook
    • Taille du fichier ‏ : ‎ 4631 ko
    • Éditeur ‏ : ‎ Robert Laffont (1 septembre 2022)
    • Langue ‏ : ‎ Français
    • EAN : 978-2221259757
    • Prix : 14,99€

Revue de presse

« … une version cruelle de la libération« , Paris Match

« …le mérite de ce livre est de pointer les hontes de notre passé« , 20 minutes

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