Donna Leon – Le meilleur de nos fils

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On vient de retrouver le corps du jeune Ernesto Moro, mort par pendaison dans la salle de douches de l’Académie militaire de Venise, dont il était élève. Le commissaire Guido Brunetti est particulièrement touché par l’affaire, car il est père d’un jeune adolescent. Officiellement, le jeune Ernesto s’est suicidé, mais Brunetti a du mal à croire à cette version officielle. Car il règne une atmosphère trouble dans cette Académie réservée aux enfants de la grande bourgeoisie et de l’aristocratie vénitiennes…
 
Et le jeune Ernesto Moro était le fils du jadis célèbre dottor Moro, médecin puis député, qui enquêtait sur le financement des hôpitaux publics italiens et le système d’approvisionnement de l’armée. Et que dire de la femme de Moro, dont le dottor est obligé de vivre séparé pour se protéger ?
 
Le fils aurait-il fait les frais de règlements de comptes sordides ?
 

Extrait

Une fois dans la salle des douches, poussé par un besoin plus impérieux que jamais, il fonça vers le premier des lavabos blancs alignés le long du mur. Il tourna le robinet d’eau froide et le laissa ruisseler quelques instants : même du fond de son ivresse, il s’était rappelé le goût de rouille de l’eau tiédasse qui commençait par en sortir. Lorsqu’elle coula bien froide sur ses doigts, il plaça les deux mains en coupe sous le jet et se pencha dessus. Bruyant comme un chien, il se mit à laper l’eau qu’il sentait descendre dans son corps, le rafraîchissant et le revivifiant au fur et à mesure. L’expérience lui avait appris qu’il était plus prudent de faire une pause après les deux ou trois premières gorgées, et d’attendre de voir comment l’estomac retourné réagissait à l’arrivée surprenante d’un liquide sans alcool. Au début, l’organe protesta, mais sa jeunesse et sa bonne santé reprirent le dessus et son estomac finit par accepter l’eau sans rechigner, et par en demander davantage.

Trop content de le satisfaire, il se pencha de nouveau et prit huit ou neuf longues gorgées, chacune soulageant un peu plus son organisme torturé. La soudaine irruption de toute cette eau déclencha quelque chose dans son estomac, qui déclencha à son tour quelque chose dans son cerveau ; pris d’étourdissement, il dut s’appuyer des deux mains sur le bord du lavabo jusqu’à ce que le monde cessât de tourner autour de lui.

Reprenant sa position, il but à nouveau à longs traits. À un moment donné, son expérience, comme ses sensations, l’avertirent qu’il serait risqué de continuer. Il se redressa, les yeux fermés, puis passa ses paumes mouillées sur son visage et sur le devant de son tee-shirt, qu’il prit par l’ourlet pour s’essuyer la bouche. Rafraîchi, à peu près en état d’affronter la vie telle qu’elle était, il se tourna avec l’intention de repartir dans sa chambre.

C’est alors qu’il vit la chauve-souris. Ou du moins ce que ses sens encore engourdis lui faisaient prendre pour une chauve-souris. Sauf qu’il ne pouvait s’agir d’une chauve-souris, vu que la chose faisait deux mètres de haut et avait l’envergure d’un homme adulte. Elle avait pourtant bien la forme d’une chauve-souris. Elle paraissait suspendue au mur, mais à l’endroit, sa tête dépassant au-dessus d’ailes noires retombant mollement le long de ses flancs, des pattes griffues dépassant d’en dessous.

Il se frotta énergiquement le visage, comme pour en chasser cette vision, mais la forme noire était toujours là lorsqu’il rouvrit les yeux. Il recula et, mu par la peur ou par ce qui risquait de lui arriver s’il détournait un instant son regard de l’animal, il se dirigea lentement vers la porte, là où il savait qu’était placé l’interrupteur qui commandait les longues barres de néon. En proie à un mélange de terreur et d’incrédulité, il faisait glisser le plat de sa main contre le carrelage, dans son dos, comme si seul ce contact avec le mur lui permettait de maintenir le contact avec la réalité.

Tel un aveugle, il se laissa guider par sa main jusqu’à l’interrupteur ; les tubes de néon s’allumèrent les uns après autres, et une lumière aussi éclatante que le jour vint éclairer les lavabos.

Il ferma les yeux, car il avait peur – peur des horribles mouvements que pourrait faire la chose qui avait une forme de chauve-souris si elle était dérangée et tirée du confort de la pénombre. Lorsque les néons cessèrent de grésiller, le jeune homme rouvrit les yeux et se força à regarder.

Si la lumière brutale transformait et révélait ce qu’était la silhouette, elle ne faisait pas complètement disparaître sa ressemblance avec une chauve-souris, ni ne réduisait la menace des ailes affaissées. Car les ailes n’étaient rien de plus que les grands plis de la cape sombre – élément essentiel de leur tenue d’hiver – que portaient tous les cadets. Quant à la tête de la chauve-souris, à présent éclairée, ce n’était que celle d’Ernesto Moro, un Vénitien poursuivant ses études à l’Académie militaire San Martino, tout comme le garçon qui, secoué de violents spasmes de vomissements, était plié en deux au-dessus du lavabo le plus proche.

Avis

Lire une aventure du Commissaire Brunetti est un peu une madeleine de Proust. On aime bien la retrouver mais on sait également que cela a un goût un tantinet suranné.

C’est le cas de ce livre de Donna Leon, on apprécie toujours l’ambiance de la cité lacustre, mais on ne peut s’empêcher de constater que ce style de roman policier manque de fraîcheur et de vivacité.

L’histoire est intéressante mais par exemple l’absence de l’analyse du cadavre par un service de médecine légale surprend voire rend l’histoire totalement décorrélée de la réalité.

A lire pour se changer les idées.

Notation

Histoire
Personnages
Rythme
Énigme
Écriture
Durée de lecture
Prix

Caractéristiques

  • Broché
    • Broché ‏ : ‎ 300 pages
    • Éditeur ‏ : ‎ Calmann-Lévy (29 mars 2006)
    • Langue ‏ : ‎ Français
    • ISBN-10 ‏ : ‎ 2702136729
    • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2702136720
    • Prix : 19,30€
  • Poche
    • Poche ‏ : ‎ 312 pages
    • Éditeur ‏ : ‎ Points (5 mars 2020)
    • Langue ‏ : ‎ Français
    • ISBN-10 ‏ : ‎ 2757884379
    • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2757884379
    • Prix : 7,70€
  • eBook
    • Taille du fichier ‏ : ‎ 663 ko
    • Éditeur ‏ : ‎ Calmann-Lévy (19 septembre 2018)
    • Langue ‏ : ‎ Français
    • Prix : 14,99€
  • Livre audio
    • Durée : 7h53
    • Éditeur ‏ : ‎ Sixtrid (13 décembre 2022)
    • EAN : 3358950005611
    • Prix : 23,90€

Revue de presse

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