Dolores Redondo – La face nord du cœur

Amaia Salazar, détachée de la Police forale de Navarre, suit une formation de profiteuse au siège du FBI dans le cadre d’un échange avec Europol. L’intuition singulière et la perspicacité dont elle fait preuve conduisent l’agent Dupree à l’intégrer à son équipe, lancée sur les traces d’un tueur en série recherché pour plusieurs meurtres de familles entières. Alors que l’ouragan Katrina ravage le sud des Etats-Unis, l’étau se resserre autour de celui qu’ils ont surnommé le Compositeur. La Nouvelle-Orléans, dévastée et engloutie par les eaux, est un cadre idéal pour ce tueur insaisissable qui frappe toujours à la faveur de grandes catastrophes naturelles. L’association du réalisme cru de scènes apocalyptiques en Louisiane, de rituels vaudous des bayous et de souvenirs terrifiants de l’enfance basque d’Amaia constitue un mélange ensorcelant et d’une rare puissance romanesque.

Extrait

Alors qu’il s’approchait, il perçut les plaintes sourdes de la désolation. Il les avait entendues des douzaines de fois. Peu importaient les mots. Tous les survivants d’une tragédie, sans exception, disaient la même chose. Leur voix étranglée tentait de transmettre des encouragements pathétiques pleins d’espoir qui mouraient sur leurs lèvres pendant qu’ils fouillaient dans les décombres, exsangues, vidés de leurs propres forces, à la recherche de quelque chose à quoi s’accrocher.

Une fille d’environ seize ans récupérait parmi les ruines des foulards colorés qu’elle secouait comme des rubans de gymnaste, traçant dans l’air une ligne de poussière avant de les accrocher autour de son cou. Elle fut la première à le voir. Elle alerta sa famille en pointant sur lui de longs doigts aux ongles courts, peints en noir. Ils le contemplèrent à travers le trou de ce qui avait été une fenêtre ; l’homme

avançait dans le pré jonché de débris en direction de la ferme. Martin les observa, satisfait. Il y avait deux autres enfants : un adolescent plus ou moins du même âge, et un garçon qui ne devait pas avoir douze ans. L’aîné portait un tee-shirt d’un groupe de rock et le petit avait les cheveux trop longs pour son âge. M. Jones ne le déçut pas. Il pleurnichait, assis sur les marches du porche disparu. Martin remarqua qu’il avait posé à côté de lui une bouteille d’eau, des barres chocolatées et un pistolet. Il se tenait la tête dans les mains en un geste d’impuissance totale. Sa vieille mère, assise tout près de lui, le consolait en le berçant comme un petit enfant. Debout, un peu plus loin, une femme d’environ quarante-cinq ans le dévisagea, curieuse et effrontée. La jeune Mme Jones, supposa-t-il. Mince et jolie, elle avait les cheveux teints, d’une couleur rouge et artificielle qui ne l’avantageait pas, et portait dans ses bras un de ces petits chiens stupides qui n’arrêtait pas de glapir. Martin s’assura une fois de plus que son insigne était bien visible sur sa veste. Tout le groupe sembla reprendre espoir à sa vue. Ils lâchèrent ce qu’ils avaient dans les mains et, par instinct, se dirigèrent vers ce qui avait été la porte de la maison, même si une grande partie du mur de ce côté avait été détruit. Mme Jones fut la première à réagir. Sans lâcher le petit chien, elle ajusta le décolleté de son chemisier et se lissa légèrement les cheveux, avant de descendre l’escalier pour accueillir Martin avec son plus beau sourire. Il sourit aussi, la haïssant de toute son âme d’être capable de tant de mal, de tant de corruption, de tant d’horreur, de courroucer Dieu Lui-même. Il tendit la main et, avant de toucher la sienne, avait déjà décidé que, même si personnellement il aurait plutôt commencé par la vieille, cette fois ce serait elle qu’il tuerait en premier.
Albert

Albert entendit les cris et les coups de feu. Il ouvrit grands les yeux et arrêta de pleurer. Finalement, c’était peut-être son jour de chance.

Avis

Quel plaisir, mais quel plaisir de retrouver l’inspectrice Amaia Salazar. J’avais découvert ce personnage et Dolores Redondo lors de mes vacances aux pays basques, et je peux vous dire que cela m’avais laissé un souvenir impérissable. Dès le premier roman, tous les ingrédients pour un bon roman policier étaient présents : un univers, un lieu, des personnages et une intrigue alambiquée.

Aussi, à l’annonce d’un quatrième roman avec ce personnage, personnage qui avait déjà beaucoup subi dans ses précédentes aventures, j’étais en droit de craindre l’usure du personnage un peu tel le Harry Hole avec Joe Nesbo. Mais après quelques pages lues, j’ai été rapidement rassuré puisque l’auteure nous propose de découvrir l’Amaia d’avant l’affaire du Batzan et de sa rencontre avec son mentor du FBI.

L’auteure complète cette découverte avec la révélation de l’enfance d’Amaia, de l’origine de ses craintes, de sa relation avec sa mère, mais aussi et surtout, avec son père, et enfin les raisons de son éloignement de sa campagne natale.

Mettez tout cela sur fond de poursuite d’un meurtrier en série des plus originaux, une poursuite en plein ouragan et le côté mystique (cher à l’auteure) de la Nouvelle Orléans qui ne manquera pas de vous rappeler celui de la région basque espagnole; vous obtenez un roman de tout premier ordre. Même s’il y a un léger relâchement du rythme à mi-livre, l’auteure conserve tension dans l’intrigue et attention du lecteur tout au long des 700 pages.

Bien que le livre puisse être lu indépendamment des autres, je vous recommanderais de privilégier l’ordre de parution pour la simple et bonne raison qu’après avoir lu ce livre, vous voudrez connaître les autres, mais entre temps vous aurez été divulgâché par certains passages de La face nord du cœur.

Notation

Histoire
Personnages
Rythme
Énigme
Écriture
Durée de lecture
Prix

Caractéristiques :

  • Livre
    • Éditeur : Gallimard (28 janvier 2021)
    • Langue : Français
    • Broché : 688 pages
    • ISBN-10 : 2072888778
    • ISBN-13 : 978-2072888779
    • Prix : 20,00€
  • eBook
    • Taille du fichier : 1886 ko
    • Éditeur : Editions Gallimard (28 janvier 2021)
    • Langue : Français
    • EAN : 978-2072888779
    • Prix : 14,99€

Revue de presse

« …la nouvelle reine du polar ne vient pas du froid, mais du Pays basque », Télérama

« …la face sombre de l’âme humaine, fascinante question qui hante toute la série. », France Inter

Le Figaro

Site internet de l’auteur

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Le petit plus

La bande annonce de « Une offrande à la tempête », le troisième chapitre de la série du Batzan.

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