Jean-Bernard Pouy – Samedi 14

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Si Jean-Bernard Pouy était absent de ce blog jusqu’à très récemment, on peut dire qu’on le voit de plus en plus souvent.

Après avoir rencontré l’auteur père du Poulpe au cours d’une séance de dédicaces à Reims, puis avoir lu son dernier roman Ma zad, voulant un petit intermède avant de me lancer dans un pavé pour mes vacances, j’ai décidé de lire Samedi 14.

Alors est-ce que le Samedi 14 à l’instar de son prédécesseur va être synonyme de chance ?

Histoire

Alors que Maxime s’était rangé des voitures et retiré à la campagne, voilà que, sous prétexte que ses voisins sont les parents du nouveau ministre de l’Intérieur, les CRS viennent lui chatouiller les arpions et piétiner son potager. Mais on ne réveille pas impunément un ancien terroriste à la retraite ! Surtout un vendredi 13.

Auteur de plus de soixante-dix romans, Jean-Bernard Pouy a, entre autres, créé le personnage du Poulpe. Depuis 2007. Il dirige la collection «Suite Noire» aux Editions La Branche. Huit romans de cette collection, en hommage à la Série Noire, ont été adaptés pour France 2 et Arte.

Extrait

Ce putain de lumbago.
Au réveil, faut déplier la carcasse avec précaution, en espérant que ça ne couine pas trop, en guettant les coups de poignard dans le bas du dos, et il faut mettre en pratique toute une stratégie ergonomique pour enfiler les chaussettes. Mais on tient le choc, car on pense au café brûlant qui va suivre, au long moment pendant lequel on va l’aspirer, les lèvres en cul de dinde, le regard perdu en direction de la petite fenêtre de bois bleu, vers les noisetiers immobiles, les bourdons bedonnants, coincés dans les fleurs de balsamine, et les roses trémières avec les merles qui cavalent dessous.
Une journée se profile alors, une journée de plus. Hier, c’était soi-disant un jour béni. Mais rien n’est venu troubler ma verte retraite, en bien ou en mal, chance ou malchance, ça fait quatre ans maintenant que les jours ressemblent aux jours, que j’ai quitté la noirceur de ma vie d’avant. Je ne regrette rien car je l’ai bien mérité, ce repos de l’âme. C’est une décision intime. Un jour, le couvercle de la marmite a sauté. A peine cinquante balais, une petite bicoque prêtée par un pote définitivement parti pour les îles se dorer la couenne et le RSA qui tombe aussi régulièrement que la pluie, bien suffisant à une survie de quasi-stylite. De temps en temps, je pense à mon vrai boulot, mais comme ma spécialité est le plomb, pas celui des dentistes, non, celui des imprimeurs, ce n’est donc pas souvent.
Tout ce que j’ai ramené de mes années récentes, c’est ce foutu lumbago, qui réapparaît de temps en temps, comme pour me rappeler que rien n’est jamais simple, qu’on ne change pas forcément de vie comme ça, pichenette, et qu’il y a toujours des éventualités merdiques pour vous signaler qu’on vieillit, qu’on paye les fausses et absurdes énergies mises à faire avancer le monde coûte que coûte.
Aujourd’hui sera encore une journée paisible. Un bon samedi 14. C’est-à-dire que dalle. La litanie des heures. Un peu de jardinage, quelques courses au bourg, les «Salut ça va ?», les «Tu crois qu’il va pleuvoir ?» avec les natifs, le journal et le pain de deux. Tous les deux jours, le bavardage-apéro avec mes vieux voisins. Elle, qui est née ici, perd peu à peu la boule et lui, anciennement polonais, il n’a plus de dos, comme ça je peux vérifier à peu de frais ce qui me pend au nez. J’écouterai aussi, une fois de plus, mes vieux CD, le rock & roll en zone rurale, y a que ça de vrai, ça fait longtemps que je n’entends plus la radio, la fébrilité des temps qui s’enfoncent inexorablement ne me concerne plus.
Et après, une grande partie de la journée pour penser.
Regretter. Et espérer.
Toujours.

Avis

Un roman à l’image de l’auteur, Jean-Pierre Pouy, tout en contradiction dès l’intitulé Samedi 14 dans la collection Vendredi 13. Le côté épicurien « non-alcoolisé », pour une fois aurait-on tendance à dire, a sa part belle et donne de petits twists, des saveurs différences au récit.

Mais ce qui est très drôle c’est que l’on trouve beaucoup de points communs avec le précédent roman que j’ai lu, Sans pitié, ni remords de Nicolas Lebel. Un petit peu du monde l’art, beaucoup de tchatche, un enquête à tiroirs; bref tout ce que l’on aime.

On connaît bien sûr la verge, la gouaille et l’humour de Jean-Pierre Pouy, mais j’avoue que dans ce roman toutes ses qualités y sont magistralement réunies. Derrière Maxime on imagine un tonton flingueur des temps modernes, mais avec le charme et les méthodes de la génération précédente : tout en subtilité, en finesse et en surprise.

Un roman court et frais qui convient parfaitement à un intermède littéraire.

Notation

Histoire
Écriture
Durée de lecture
Prix

Caractéristiques

  • Livre
    • Broché: 175 pages
    • Editeur : Editions La Branche (13 octobre 2011)
    • Collection : Vendredi 13
    • Langue : Français
    • ISBN-10: 2353060455
    • ISBN-13: 978-2353060450
    • Prix : ??€
  • Poche
    • Poche: 160 pages
    • Editeur : Pocket (10 juillet 2014)
    • Collection : Thriller
    • Langue : Français
    • ISBN-10: 226623112X
    • ISBN-13: 978-2266231121
    • Prix : ??€

Revue de presse

 » C’est parti pour un voyage drôle et noir, servi par l’irrésistible talent de Pouy.  » Ouest France

 » Un des meilleurs auteurs de roman noir en France, [qui] possède un truc magique : un style, une langue bien à lui. La marque des grands.  » Marianne

Une interview par un autre bloggueur.

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